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Le livre d'or
des fleurs de Platé

Belles, guérisseuses
ou tueuses
Aconit tue-loup
Anthyllide vulnéraire
Athamante de Crête
Bugle rampante
Benoîte des montagnes
Campanule barbue
Dryade à huit pétales
Gaillet à feuilles inégales
Gentiane ponctuée
Grande oseille
Grassette
Hélianthème à grandes fleurs
Joubarbe des montagnes
Lin des Alpes
Lotier corniculé
Minuartie du printemps
Ortie dioïque
Polygale alpestre
Potentille dorée
Pulsatille des Alpes
Saxifrage paniculé
Sceau de Salomon officinal
Stellaire des bois
Sénecon doronic
Valériane des montagnes
Véronique à tige nue
Violette à deux fleurs
Violette éperonnée

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fleur

Campanule barbue
Campanula barbata

Symboles de la surveillance pour les uns, de la vanité voire de la soumission pour les autres, les campanules sont très connues dans nos montagnes, leurs délicates fleurs bleues, voire blanches en forme de cloche les ayant fait surnommer carillon ou clochette. Le terme de campanule, apparu dans le langage en 1704 et admis à l’Académie en 1762, est l’adaptation française de l’italien médiéval Campanula qui leur a fait attribuer le symbole de la surveillance, par allusion à la cloche pendue au cou des vaches, moutons, chèvres et chiens qui veillent sur les troupeaux. Plus poétique cependant est la légende qui voudrait qu’au temps des premiers chrétiens, alors qu’on ne connaissait encore point les cloches d’église, l’évêque Paulin se soit un jour trouvé dans une prairie couverte de campanules. La brise du soir berçait les fleurettes bleues, et le saint homme, qui avait peut-être un peu abusé de la dive bouteille, entendit leur chant dans son coeur. Inspiré par leur forme et leur mouvement, il fit fondre la première cloche de bronze dans la petite ville voisine de Nola puis la ramena pour la suspendre dans son clocher.
Quoiqu’il en soit, tout le monde connaît, pour les avoir déjà rencontrées au détour d’un chemin, ces petites cloches « qui sonnent le gai carillon des fées et des lutins sur les hauteurs sereines de nos montagnes », comme l’écrivait si poétiquement au début du 19ème siècle le naturaliste Henri Corrévon. Nombre d’écrivains ont d’ailleurs louangé ces fleurs dont il n existe pas moins de 300 espèces de par le monde, en particulier Lamartine dans ses Confidences , et Emile Zola qui écrivait dans La faute de l’abbé Mouret : « Des campanules couraient, lançant leurs cloches bleues à toute volée jusqu’au haut des grands asphodèles dont la tige d’or leur servait de clocher »... Mais, dans quelques régions d’Angleterre notamment, certaines traditions populaires paysannes évoquent la campanule comme une plante quelque peu maléfique, allant même jusqu’à l’appeler « clochette de la sorcière » ou « dé de sorcière ». Réputation non méritée, peut-être due à un conte de Grimm qui narre l’histoire d’un brave homme dont l’épouse avait tellement envie de l’une d’elles, la Campanule raiponce qui poussait dans le jardin de sa voisine, qu’il alla la voler un soir, pour être agréable à sa femme. Or, sa voisine était une méchante sorcière, ce qu’il ignorait...
De son nom latin Campanula rapunculus , la Campanule raiponce (ce qui signifie « racine qui accumule ») est l’une des campanules les plus courantes sous nos latitudes. On en consomme en effet au printemps en salade la rosette de jeunes feuilles et la racine charnue râpée. C’est la « rabette », très appréciée des méridionaux. Cette racine est très riche en inuline (un sucre qui remplace le saccharose), en calcium, fer et phosphore, ainsi qu’en vitamines, du groupe C notamment. Quatre autres campanules de nos montagnes, Campanula medium , C. persicifolia , la campanule à fleurs de pêcher, C. trachelium et C. latifolia , la Campanule à larges feuilles, sont d’ailleurs également comestibles, crues ou cuites, à la façon des carottes. A la condition de ne pas les faire cuire trop longtemps, elles offrent au goût une saveur très délicate. Leurs jeunes feuilles, consommées crues en salade ou cuites comme un légume, sont d’une douceur exemplaire. On les ramasse depuis des temps immémoriaux, et Alexandre Dumas en donne une recette dans son Grand dictionnaire de cuisine . L’épi jaunâtre de la Campanule à feuilles en thyrse, Campanula thyrsoïdes , est quant à lui fort apprécié dans la région de Bourg d’Oisans, cuit dans la soupe ou comme farce dans les caillettes : c’est le « carnisson ». La Campanule raiponce est en outre apéritive et rafraîchissante.
Les campanules sont des plantes pionnières qui poussent en abondance à l’état sauvage aussi bien dans les prairies calcaires sèches que dans les terrains tourbeux humides. Leurs racines pénètrent en effet profondément dans les fissures et interstices de la roche, à la recherche de l’eau nécessaire à leur développement. Elles fabriquent alors une large rosette de feuilles étalées qui envahissent le sol nu. Leurs fleurs, très robustes, supportent aussi bien le froid que la chaleur.
Hormis le fait que les campanules, notamment la Campanule à feuilles ronde, Campanula rotundifolia , servaient autrefois à fabriquer une encre de couleur bleue, ces plantes n’ont pas trouvé réellement d’autres faveurs auprès de l’Homme. Campanula trachelium a bien été utilisée autrefois pour soulager les angines, et la campanule à feuilles rondes comme anti-épileptique, mais leur usage est aujourd’hui tombé en désuétude. En revanche, leur prestance et leur beauté ont incité l’Homme à les cultiver : les variétés horticoles sont aujourd’hui nombreuses, d’autant que plusieurs d’entre elles présentent des formes d’albinisme, ce qui est le cas de la Campanule barbue. Ce sont enfin des plantes très prisées des insectes qui assurent leur pollinisation mais aussi du bétail qui, tout comme l’Homme, se délecte tant de ses feuilles que de ses fleurs.
Les campanules sont des plantes herbacées annuelles ou vivaces, de la famille des campanulacées. Leurs feuilles sont alternes, simples, sans stipules, et leurs fleurs, de couleur bleue ou violacée, voire blanche (albinisme) sont portées en têtes, grappes ou panicules mais elles peuvent aussi être solitaires, Leur calice est étroitement soudé à l’ovaire et porte de 3 à 5 dents étroites. La corolle a le plus souvent une forme en cloche à 5 lobes. Elle enferme 5 étamines soudées sur l’ovaire et un style filiforme à 2 - 5 stigmates. Elle est généralement tournée vers le bas, ce qui permet aux organes reproducteurs d’être protégés contre la pluie et le vent et qui offre un abri temporaire aux insectes fécondateurs. Le fruit est une capsule déhiscente par des fentes ou des pores et contient de nombreuses graines.
Si certaines espèces comme la Campanule du Mt Cenis (Campanula cenisia ) et la Campanule incisée (C. excisa ) grimpent jusque dans les moraines ou à l’assaut des névés aux environs de 3400 mètres d’altitude, la plupart des autres vit entre 1000 et 2400 mètres dans les prairies, pelouses maigres ou alpages, voire sur les sols glaiseux ou schisteux comme la Campanule de Scheuchzer (C. scheuchzeri ). Les campanules ont mis au point un ingénieux mécanisme pour disperser leurs fruits : à maturité, lorsque le temps est humide ou pluvieux, les pores ou les fentes des capsules se ferment. A l’inverse, ils s’ouvrent par temps sec, libérant leurs graines très légères, lesquelles sont reprises et transportées par le vent, souvent sur de trés longues distances, Ce sont des plantes très prolifiques, voire même envahissantes, un pied pouvant produire jusqu à 15000 graines.